Nudges : exemples concrets et stratégies efficaces pour influencer positivement les comportements
- lesliethiercelin
- 4 oct.
- 9 min de lecture
Introduction : Le pouvoir discret du nudge dans la transformation des comportements
Changer les comportements sans imposer de règles : c’est tout l’art du nudge, ce “coup de pouce” psychologique né de la rencontre entre l’économie comportementale et les sciences cognitives. Popularisé par Richard Thaler (prix Nobel d’économie en 2017) et Cass Sunstein dans leur ouvrage Nudge: Improving Decisions About Health, Wealth, and Happiness (2008), ce concept repose sur une idée aussi simple que puissante : nos décisions ne sont pas toujours rationnelles. Elles dépendent du contexte, des émotions, de la manière dont les options nous sont présentées — et de nombreux biais cognitifs que nous partageons tous, souvent sans en avoir conscience.
Le nudge agit précisément sur ce terrain : il ne contraint pas, il oriente. Il ne force pas à agir, il rend le bon choix plus facile, plus visible ou plus désirable. C’est pourquoi chaque exemple de nudge — qu’il s’agisse du Nutri-Score, du tri sélectif ou de l’impression recto-verso automatique — illustre comment une simple modification du cadre décisionnel peut produire un changement mesurable et durable. En ce sens, il s’inscrit dans une philosophie dite du “paternalisme libertarien” : guider sans imposer, encourager sans manipuler.
Depuis une quinzaine d’années, les nudges se sont imposés comme un outil majeur de transformation des comportements, aussi bien dans la sphère publique que dans le monde de l’entreprise. Les gouvernements les utilisent pour favoriser la santé publique, la sécurité routière ou la sobriété énergétique ; les organisations les mobilisent pour accompagner le changement, stimuler l’engagement ou promouvoir des pratiques plus durables.
Leur efficacité repose sur une vérité universelle : nous sommes sensibles à notre environnement et aux signaux qu’il nous envoie. Un simple rappel visuel, un message positif ou une comparaison sociale peuvent suffire à déclencher une action vertueuse.
Dans le contexte actuel de transition écologique et sociétale, le nudge prend une dimension nouvelle. Il devient un levier d’engagement collectif, au service d’une transformation réelle des comportements. Des acteurs comme Peas’Up s’en inspirent pour concevoir des programmes ludiques et mesurables, capables d’ancrer durablement des gestes responsables au travail et dans la vie quotidienne.
Mais comment ces “petits coups de pouce” fonctionnent-ils ? Quels en sont les types, les exemples les plus parlants et les limites à connaître ? Cet article s’appuie sur des sources scientifiques et institutionnelles (Inserm, CNRS, HBR, ministère de la Transition écologique) pour analyser les stratégies de nudge les plus efficaces, leurs résultats mesurés et les perspectives qu’elles ouvrent pour les entreprises comme pour la société.

1. Qu’est-ce qu’un nudge et comment fonctionne-t-il ?
1.1 Une définition fondée sur la liberté de choix
Le nudge est défini comme une incitation douce qui modifie l’architecture des choix pour orienter les comportements sans les forcer. Il s’inscrit dans une logique de “paternalisme libertarien” : aider à prendre de meilleures décisions tout en laissant la liberté de choix.
Selon Thaler et Sunstein (2008), un bon nudge doit être :
Facile à éviter,
Peu coûteux à mettre en œuvre,
Translucide dans son intention.
Cette approche est aujourd’hui utilisée par de nombreux gouvernements — notamment le Behavioural Insights Team (BIT) au Royaume-Uni — et par la Direction interministérielle de la transformation publique en France pour améliorer l’efficacité des politiques publiques.
1.2 Les fondements scientifiques du nudge
Les nudges reposent sur la psychologie comportementale et sur l’étude des biais cognitifs, ces raccourcis mentaux qui influencent nos décisions. Parmi les plus connus :
L’effet de cadrage : la manière dont une information est présentée influence sa réception (par exemple, “90 % de réussite” paraît plus positif que “10 % d’échec”).
Le biais de conformité : nous avons tendance à adopter le comportement de la majorité.
L’aversion à la perte : perdre quelque chose nous affecte plus que le plaisir de gagner.
1.3 Les 5 étapes pour concevoir un nudge efficace
Selon la méthode décrite par Harvard Business Review France (2023), la conception d’un nudge se déroule en cinq étapes :
Observer les comportements réels sur le terrain.
Définir le comportement cible souhaité.
Diagnostiquer les biais et les freins.
Concevoir le dispositif incitatif adapté.
Tester et mesurer les résultats (A/B testing, analyse comparative).
Cette approche expérimentale permet de quantifier les effets réels du nudge et d’éviter les interprétations subjectives.
2. Quels sont les trois types de nudges ?
2.1 Les nudges d’information et de cadrage
Ces nudges influencent la perception par la présentation de l’information. Par exemple :
Le Nutri-Score, mis en place en 2017, aide les consommateurs à évaluer la qualité nutritionnelle des produits. Selon une étude de l’Inserm (2022), il améliore de 12 % les choix alimentaires moyens.
Les factures d’énergie comparatives indiquant la consommation moyenne du voisinage réduisent de 2 à 5 % la consommation d’électricité (source : CNRS, 2021).
2.2 Les nudges d’architecture du choix (ou nudges par défaut)
Ils modifient l’environnement décisionnel pour rendre le bon choix plus facile ou automatique. Exemples :
Les imprimantes paramétrées par défaut en recto verso permettent de réduire jusqu’à 30 % la consommation de papier.
Le don d’organes par défaut, adopté en France depuis 2017, a contribué à augmenter de 25 % les dons effectifs selon l’Agence de la biomédecine.
2.3 Les nudges sociaux et émotionnels
Ces nudges utilisent les normes sociales ou les émotions pour encourager l’action.
Dans les campagnes de tri sélectif, indiquer que “90 % des habitants de votre commune trient leurs déchets” augmente la participation de 8 % (étude ADEME, 2019).
L’ajout de visuels positifs (smileys verts sur les factures ou messages de félicitation) favorise la répétition du bon comportement.
Ces principes sont également repris dans des programmes de sensibilisation en entreprise : par exemple, les défis écologiques de Peas’Up s’appuient sur des nudges collaboratifs — notifications positives, missions collectives, récompenses symboliques — pour renforcer la cohésion et l’engagement durable des équipes.

3. Quel est un exemple de stratégie de nudge ?
3.1 Les stratégies publiques : un levier pour les politiques de transition
Les institutions publiques utilisent le nudge comme outil complémentaire aux lois et à la communication.
En santé publique, les rappels vaccinaux envoyés par SMS augmentent la couverture vaccinale de 12 % (Inserm, 2020).
En environnement, l’affichage des consommations d’énergie dans les bâtiments publics réduit les usages de 5 à 7 % (Ministère de la Transition écologique, 2021).
En mobilité, le marquage au sol vers les escaliers dans les gares a permis d’augmenter de 26 % l’usage des escaliers au détriment des escalators (CNRS, 2019).
3.2 Les stratégies d’entreprise : le nudge au service du management durable
Les entreprises utilisent les nudges pour accompagner le changement culturel ou écologique.
Chez Google, le repositionnement des aliments sains à hauteur de regard dans les cafétérias a fait bondir leur consommation de 30 %.
Certaines entreprises comme Decathlon ont testé des nudges comportementaux pour réduire la consommation d’énergie dans leurs bureaux (-8 % en moyenne).
Dans le domaine du numérique, paramétrer par défaut les visioconférences sans caméra a permis de réduire les émissions de CO₂ de 37 % par réunion (étude Shift Project, 2022).
Dans cette logique d’accompagnement progressif, Peas’Up s’inspire du design comportemental pour inciter les collaborateurs à adopter des gestes responsables au quotidien. Leur application ludique transforme les bonnes pratiques RSE en missions concrètes et gratifiantes, utilisant les mécanismes du nudge — feedbacks positifs, comparaison sociale bienveillante, petits défis — pour ancrer durablement les nouveaux comportements.
4. Quel est un exemple concret de nudge ?
4.1 Les nudges écologiques
Les empreintes de pas peintes au sol jusqu’aux poubelles augmentent de 46 % le tri des déchets (étude CNRS, 2018).
Les compteurs d’énergie intelligents qui affichent la consommation en temps réel réduisent la dépense énergétique de 3 à 10 %.
4.2 Les nudges santé
Dans les cantines scolaires, placer les fruits avant les desserts sucrés augmente leur consommation de 20 % (Inserm, 2019).
Le Nutri-Score demeure l’un des nudges les plus efficaces pour la santé publique.
4.3 Les nudges managériaux et organisationnels
Des entreprises comme SAP utilisent des nudges pour encourager la reconnaissance entre collègues (notifications positives), favorisant une hausse de 18 % de la satisfaction au travail (HBR, 2022).
La hiérarchisation automatique des e-mails selon la pertinence comportementale réduit de 25 % le stress numérique (MIT Sloan Review, 2021).
Les programmes internes comme ceux proposés par Peas’Up reprennent ces leviers en les intégrant dans une expérience collective : les collaborateurs gagnent des points (“peas”) en réalisant des actions éco-responsables, reçoivent des retours positifs, et voient leurs progrès mesurés sur une application simple et gamifiée — un nudge positif au service de la transition comportementale.

5. Quel est un exemple d’intervention de type nudge ?
5.1 Interventions environnementales
Une expérience menée dans une université britannique a placé des affiches humoristiques rappelant d’éteindre la lumière. Résultat : une économie d’énergie de 10 % en trois mois (BIT, 2018).
5.2 Interventions de santé publique
L’étude menée par l’Inserm en 2022 montre que la signalétique nutritionnelle simple (Nutri-Score, feux tricolores) modifie durablement les comportements d’achat, avec une amélioration moyenne de 7 % de la qualité nutritionnelle du panier moyen.
5.3 Interventions en entreprise
Le nudge numérique se développe : rappels automatiques pour faire des pauses, messages incitant à clôturer les tâches prioritaires, ou visualisation de ses progrès hebdomadaires. Ces interventions augmentent de 15 % la productivité perçue et réduisent le stress selon une étude de HEC Paris (2023).
Dans cette même logique, les défis Peas’Up associent nudges numériques et engagement collectif : des missions brèves, des feedbacks motivants et une dynamique d’équipe qui s’appuie sur la psychologie comportementale pour transformer la sensibilisation en action concrète.
6. Limites, éthique et conditions d’efficacité du nudge
6.1 Un impact réel mais souvent temporaire
L’Inserm rappelle que les effets du nudge diminuent avec le temps s’ils ne sont pas accompagnés d’éducation ou de règles structurelles. Le nudge fonctionne mieux sur des actes simples et répétés, mais moins sur des changements complexes.
6.2 Un enjeu éthique majeur
Les chercheurs pointent le risque de manipulation douce. La transparence est indispensable : les citoyens ou salariés doivent comprendre qu’ils sont “nudgés”. C’est l’équilibre délicat du paternalisme libertarien, où l’intention doit toujours être d’intérêt général.
6.3 Vers des nudges responsables et durables
Les green nudges, conçus avec les usagers, se développent dans la transition écologique. Co-construits, transparents et mesurés, ils permettent un engagement durable. Le CNRS et l’ADEME travaillent actuellement sur des modèles combinant nudge, pédagogie et participation citoyenne, pour renforcer leur efficacité à long terme.
Conclusion : du coup de pouce au changement durable
Le nudge n’est plus un simple gadget de communication : il s’impose aujourd’hui comme un levier stratégique de transformation des comportements. En exploitant la puissance des biais cognitifs et du design comportemental, il permet de rendre les choix vertueux plus faciles, plus intuitifs et plus gratifiants. Ce faisant, il réconcilie efficacité et bienveillance — deux notions souvent opposées dans la conduite du changement.
Ses résultats sont tangibles. Dans les politiques publiques, il contribue à réduire la consommation énergétique, encourager le tri, ou améliorer la nutrition. En entreprise, il facilite l’adoption de nouveaux outils, renforce la culture d’engagement et soutient les démarches de responsabilité sociétale (RSE). Le nudge agit là où les injonctions échouent : il motive sans contraindre, il éduque sans moraliser.
Mais ce succès ne doit pas occulter certaines limites. Un nudge mal conçu ou mal compris peut perdre en crédibilité, voire être perçu comme une manipulation. C’est pourquoi la transparence, la co-construction avec les usagers et la mesure de l’impact réel sont essentielles. Le nudge ne remplace pas l’information, la pédagogie ou la réglementation : il les complète, en créant les conditions propices à l’action.
Les recherches récentes du CNRS et de l’Inserm montrent d’ailleurs que son efficacité augmente lorsqu’il s’inscrit dans une stratégie globale, combinant formation, accompagnement et suivi dans le temps. Autrement dit, le coup de pouce n’est efficace que s’il s’inscrit dans une culture du changement durable.
C’est précisément l’ambition d’acteurs comme Peas’Up, qui utilisent les ressorts du nudge pour créer des parcours d’impact au sein des organisations : des défis collectifs, des missions concrètes et des feedbacks positifs qui transforment la sensibilisation en passage à l’action. Ces dispositifs prouvent qu’il est possible d’engager les collaborateurs dans la transition écologique et sociale avec plaisir, autonomie et motivation.
Demain, les “green nudges”, les interfaces numériques responsables et les outils d’intelligence comportementale pourraient jouer un rôle clé dans la construction d’entreprises plus conscientes et de sociétés plus durables.
➡️ Et vous, quels nudges aimeriez-vous voir apparaître dans votre quotidien ou au sein de votre organisation pour faire du développement durable une évidence, plutôt qu’une contrainte ?
Questions fréquentes
Qu’est-ce qu’un nudge ?
Un nudge est une incitation douce qui oriente les comportements sans contrainte, en modifiant la présentation des choix.
Quels sont les trois types de nudges ?
Les nudges d’information (comme le Nutri-Score), les nudges par défaut (paramétrages automatiques) et les nudges sociaux (influence du groupe).
Quels sont des exemples de nudges efficaces ?
Le Nutri-Score, les factures d’énergie comparatives, les empreintes au sol vers les poubelles, ou encore les missions éco-responsables gamifiées comme celles de Peas’Up.
Quels sont les avantages du nudge ?
Il est peu coûteux, non contraignant et souvent plus efficace qu’une simple campagne d’information.
Quelles sont les limites du nudge ?
Ses effets peuvent être temporaires et soulèvent des questions éthiques si la transparence n’est pas garantie.
Sources
ADEME (2019) – Étude sur les leviers comportementaux pour le tri sélectif – ademe.fr
Behavioural Insights Team (2018) – Annual Report on Behavioural Interventions – bi.team
CNRS (2021) – Études comportementales sur la consommation énergétique – cnrs.fr
HBR France (2023) – Nudges au service de la conduite du changement – hbrfrance.fr
HBR France (2023) – 5 étapes pour influencer les comportements – hbrfrance.fr
Inserm (2022) – Le nudge, outil efficace ou effet de mode ? – inserm.fr
Ministère de la Transition écologique (2023) – Nudge : comment influencer les comportements humains ? – developpement-durable.gouv.fr
Rouhaud, N. (2018) – Le nudge : outil d’action publique et de transformation comportementale – dumas.ccsd.cnrs.fr
Thaler, Richard H. & Sunstein, Cass R. (2008), Nudge: Improving Decisions About Health, Wealth, and Happiness. New Haven, Yale University Press.
The Shift Project (2022) – Impact environnemental du numérique – theshiftproject.org
Peas’Up – Défis collectifs et parcours d’impact pour engager durablement les collaborateurs