Développement durable et RSE en entreprise : comprendre, agir et éviter les erreurs
- lesliethiercelin
- 29 sept.
- 10 min de lecture
1. Introduction
Depuis une vingtaine d’années, le développement durable s’impose comme un enjeu central pour les entreprises. La Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) en est la traduction opérationnelle : elle permet d’intégrer les préoccupations environnementales, sociales et économiques dans la gouvernance et les pratiques. Selon le baromètre IFOP–Medef (2023), 82 % des salariés estiment que l’engagement RSE renforce leur confiance dans l’avenir de leur organisation. Le lien entre développement durable et RSE en entreprise est donc très important.
Au-delà des obligations réglementaires comme la directive européenne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), les entreprises doivent aussi composer avec les attentes des consommateurs : 70 % privilégient les marques engagées dans la durabilité (EY Future Consumer Index, 2024). Mais au cœur de ces transformations se trouvent surtout les individus et les collectifs de travail, dont les comportements façonnent la réussite ou l’échec de ces démarches.
Le développement durable en entreprise ne se limite donc pas à une conformité légale ou à un argument marketing. Il s’agit d’un changement profond dans la manière d’envisager les modèles économiques, les relations sociales et l’impact sur l’environnement. En ce sens, la RSE devient un vecteur de transformation culturelle qui mobilise autant la direction que les collaborateurs.
Elle pousse à repenser la gouvernance, les modes de production, les systèmes de décision et les comportements individuels au travail. Enfin, elle ouvre la voie à une réflexion plus large sur le rôle des entreprises dans la société et leur contribution au bien commun.

2. Développement durable et RSE en entreprise : quelles relations ?
2.1. Comprendre le lien entre développement durable et responsabilité sociétale des entreprises
Le développement durable est un concept global défini dès 1987 par le rapport Brundtland : « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ». La RSE, quant à elle, est l’outil privilégié des entreprises pour traduire ce principe en actions concrètes.
Ainsi, une entreprise qui met en place une politique RSE s’inscrit dans le développement durable en intégrant des dimensions environnementales (réduction des émissions), sociales (amélioration des conditions de travail) et économiques (transparence, gouvernance éthique).
2.2. RSE et ODD : quelle différence ?
Il existe souvent une confusion entre les Objectifs de Développement Durable (ODD) et la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE), car ces deux cadres semblent poursuivre des finalités proches. Pourtant, ils diffèrent à plusieurs niveaux.
Les ODD constituent un programme universel adopté en 2015 par l’Assemblée générale des Nations Unies. Ils regroupent 17 objectifs et 169 cibles, couvrant un large spectre : lutte contre la pauvreté (ODD 1), égalité entre les sexes (ODD 5), travail décent et croissance économique (ODD 8), réduction des inégalités (ODD 10), action pour le climat (ODD 13), vie terrestre et aquatique (ODD 14 et 15), partenariats pour les objectifs (ODD 17). Ce cadre s’adresse à tous les États, mais aussi aux entreprises, collectivités et citoyens.
La RSE, quant à elle, est une démarche volontaire des organisations, visant à intégrer ces enjeux dans leur stratégie, leur gouvernance et leurs activités quotidiennes. Elle ne repose pas sur un agenda international contraignant, mais sur des référentiels (ISO 26000, GRI Standards, labels B Corp ou Lucie) et sur des attentes sociétales croissantes. Elle traduit en actions concrètes les engagements pris dans le cadre des ODD.
Un exemple concret :
L’ODD 13 invite à « prendre d’urgence des mesures pour lutter contre les changements climatiques ».
Une entreprise engagée en RSE pourra y répondre en mesurant son empreinte carbone, en mettant en place un plan de réduction des émissions (scope 1, 2 et 3), et en impliquant ses collaborateurs via des programmes de mobilité douce.
De même, l’ODD 8 (« travail décent et croissance économique ») trouve un écho direct dans les politiques RSE qui favorisent la qualité de vie au travail (QVT), la formation continue et la diversité des parcours professionnels.
On pourrait résumer ainsi :
ODD = objectifs globaux et universels fixés par la communauté internationale.
RSE = moyens concrets mis en œuvre par l’entreprise pour y contribuer.
Cette distinction est importante car elle rappelle que la RSE n’est pas une fin en soi mais un outil d’alignement stratégique, permettant aux entreprises de participer activement à l’atteinte des objectifs mondiaux. Elle traduit le passage du global au local, du cadre politique aux comportements organisationnels et individuels.
3. Les piliers du développement durable et des ODD
3.1. Les trois piliers fondateurs
Le développement durable repose sur trois piliers interdépendants :
Environnemental : réduction de l’empreinte carbone, préservation de la biodiversité, économie circulaire. Par exemple, selon l’ADEME (2022), 43 % des émissions de gaz à effet de serre des entreprises françaises proviennent des achats et de la chaîne de valeur.
Social : amélioration de la qualité de vie au travail, inclusion, lutte contre les discriminations. Les travaux de Karasek (1979) montrent que l’autonomie et le soutien social sont déterminants pour réduire les risques psychosociaux.
Économique : gouvernance responsable, transparence, lutte contre la corruption. Le modèle de Carroll (1991) identifie cette dimension comme la base de la pyramide de la responsabilité sociétale.
3.2. Pourquoi intégrer le social au développement durable ?
Le social est souvent moins visible que l’environnemental, mais il est fondamental. Les recherches de Deci et Ryan (2000) sur la théorie de l’autodétermination montrent que l’engagement des salariés dépend de leur sentiment d’autonomie, de compétence et d’appartenance. Sans politiques sociales solides (formation, reconnaissance, participation), les démarches RSE restent perçues comme déconnectées et inefficaces.
4. L’impact du développement durable sur les entreprises
4.1 - Quelques impacts notables
L’intégration du développement durable et de la RSE génère plusieurs impacts mesurables :
Attractivité et réputation : 64 % des jeunes diplômés en Europe déclarent qu’ils refuseraient de travailler pour une entreprise non engagée sur les enjeux environnementaux et sociaux (Deloitte Millennial Survey, 2023).
Fidélisation et engagement : selon Gallup (2022), les équipes fortement engagées sont 23 % plus rentables que les autres.
Réduction des risques : les obligations réglementaires comme la CSRD imposent un reporting standardisé ; ne pas s’y conformer expose à des sanctions financières et réputationnelles.
Innovation et performance : Porter et Kramer (2011) montrent que la création de valeur partagée permet aux entreprises de développer de nouveaux marchés tout en générant des bénéfices sociaux et environnementaux.

4.2. Dimension comportementale : de la stratégie aux pratiques quotidiennes
Au-delà des chiffres et des rapports, le développement durable ne prend sens que s’il se traduit dans les comportements des collaborateurs. Les sciences sociales rappellent que les stratégies d’entreprise échouent souvent lorsqu’elles ne tiennent pas compte des dynamiques humaines.
Les ODD et la RSE deviennent alors des repères collectifs qui orientent les pratiques quotidiennes. Par exemple :
L’ODD 12 (consommation et production responsables) peut se traduire par des gestes individuels au bureau : réduction du gaspillage alimentaire, tri des déchets, usage raisonné du numérique.
L’ODD 13 (action pour le climat) s’incarne dans des choix de mobilité : privilégier le train plutôt que l’avion, adopter le covoiturage ou le vélo pour les trajets domicile-travail.
L’ODD 8 (travail décent) prend vie à travers les interactions sociales : collaboration respectueuse, lutte contre les discriminations, soutien aux collègues.
Les recherches en sciences comportementales (Deci & Ryan, 2000 ; Tajfel & Turner, 1986) montrent que les individus adoptent plus facilement des comportements pro-sociaux et pro-environnementaux lorsqu’ils sont reconnus par le collectif et renforcés par la culture d’entreprise. La théorie de l’identité sociale, notamment, souligne que les salariés alignent leurs comportements sur les normes du groupe auquel ils appartiennent.
Ainsi, une stratégie RSE réussie n’est pas seulement un plan d’action : c’est aussi un levier de transformation culturelle. Elle agit comme un cadre qui influence les normes partagées, les habitudes de travail et les choix quotidiens, transformant chaque collaborateur en acteur de la durabilité.
5. Comportements et dynamiques collectives dans la mise en œuvre
5.1. Les ressorts individuels : motivation, intentions et habitudes
L’adoption de pratiques durables repose d’abord sur la motivation intrinsèque et le sentiment d’efficacité personnelle (théorie de l’autodétermination, Deci & Ryan ; théorie du comportement planifié, Ajzen). Pour convertir l’intention en action, les contrats d’implémentation de type « si X, alors je fais Y » (ex. « si je réserve un déplacement, alors je vérifie l’option train ») réduisent l’écart intention–comportement. Les coûts de friction doivent être minimisés : un formulaire voyage qui propose le train par défaut ou un paramétrage d’impression recto-verso abaisse la charge cognitive et augmente l’adoption. La formation brève et ciblée (micro-learning, 10–15 minutes) améliore la compétence perçue, facteur décisif de passage à l’acte. La mesure en temps réel (ex. tableau de bord CO₂ individuel) fournit un feedback qui renforce les comportements souhaités. Enfin, ritualiser des moments de décision (journées sans voiture, semaines “zéro déchet”) crée des points d’ancrage propices au changement d’habitudes.
5.2. La dynamique de groupe : normes, identité et leadership
Les conduites pro-sociales prospèrent quand les normes descriptives et injonctives sont claires : montrer ce que la majorité fait déjà et ce qui est valorisé par l’organisation. La théorie de l’identité sociale (Tajfel & Turner) souligne que l’appartenance de groupe façonne la conformité : des ambassadeurs pairs dans chaque équipe donnent le ton plus efficacement qu’une communication centrale seule.
Le leadership transformationnel est déterminant : l’exemplarité visible (ex. dirigeants qui privilégient le train, managers qui cadrent des réunions sobres) crédibilise la norme. La sécurité psychologique au sein des équipes autorise l’expérimentation (test d’un nouveau process d’achats responsables) et l’apprentissage sans blâme. Des communautés de pratique (green teams transverses) accélèrent la diffusion des solutions en évitant le « réinventer la roue ». À l’inverse, un écart perçu entre discours et actes alimente le cynisme et fragilise l’adhésion.
5.3. Architecture de choix et « nudges » pro-environnementaux
Concevoir l’environnement décisionnel pour rendre la bonne option saine et facile est un levier puissant : options par défaut (énergie verte, train avant avion), salience (étiquetage CO₂ sur intranet achats), simplification (trois critères RSE clés plutôt qu’une grille illisible). Les engagements publics (mur des engagements, challenges inter-équipes) exploitent l’effet de cohérence : on agit pour rester aligné avec ce qu’on a déclaré. Le fresh-start effect (lancer un programme au début de trimestre) et de légers rappels contextuels (prompts lors de la commande de matériel) augmentent la probabilité d’action.
5.4. Reconnaissance, feedback et gamification « juste »
La reconnaissance fréquente et spécifique (mettant en avant le comportement, pas seulement le résultat) consolide l’habitude sans « crowding-out » de la motivation intrinsèque. Des tableaux de bord d’équipe, badges non pécuniaires et défis coopératifs (score collectif plutôt qu’individuel) évitent la compétition toxique et promeuvent l’entraide. Un feedback court, rapide, actionnable après chaque jalon (ex. revue mensuelle RSE) entretient la boucle de renforcement.
5.5. Apprentissage continu et itération
Instaurer des revues après action (Rex) sur les initiatives RSE, tester en mode pilote/A-B sur quelques équipes, puis diffuser ce qui fonctionne permet d’ancrer une amélioration continue. Des OKR combinant objectifs business et indicateurs RSE (ex. marge + réduction du scope 3 fournisseur) alignent les efforts et donnent de la lisibilité aux équipes.

6. Comment appliquer le développement durable dans son entreprise ?
6.1. Réaliser un diagnostic et définir une stratégie claire
Un état des lieux initial (bilan carbone, audit social, cartographie des parties prenantes) permet de cibler les priorités.
6.2. Mobiliser les parties prenantes
Impliquer salariés, clients et fournisseurs favorise la co-construction et réduit les résistances au changement. Les recherches de Crozier et Friedberg (1977) montrent que les comportements dans les organisations dépendent largement des jeux d’acteurs et des marges de liberté perçues.
6.3. Intégrer la RSE dans les processus internes et la chaîne de valeur
Il s’agit d’intégrer des critères RSE dans les achats, le recrutement, l’évaluation des performances et la conception des produits.
6.4. Suivre, mesurer et communiquer les résultats
Les indicateurs clés (empreinte carbone, taux de diversité, taux d’engagement interne) doivent être mesurés régulièrement et communiqués de manière transparente. Le feedback positif, selon la psychologie du renforcement, permet de consolider les comportements vertueux.
7. Bonnes pratiques et erreurs à éviter
7.1. Les bonnes pratiques
Définir des objectifs SMART alignés avec l’ISO 26000 et les ODD.
Valoriser et récompenser les comportements durables (reconnaissance publique, primes collectives).
Investir dans la formation et la sensibilisation (programmes QVT, ateliers Fresque de la Diversité).
7.2. Les erreurs fréquentes
Le greenwashing : communiquer sans preuves solides nuit à la crédibilité et à la confiance.
Les actions ponctuelles : initiatives isolées sans stratégie globale (ex. supprimer les gobelets plastiques) n’ont qu’un impact limité.
L’absence de suivi chiffré : sans indicateurs mesurables, la démarche ne peut être pilotée.
Ignorer les dynamiques humaines : les résistances au changement apparaissent quand les collaborateurs ne sont pas impliqués.
8. Conclusion
Le développement durable et la RSE ne se réduisent pas à des normes ou des obligations : ce sont des leviers stratégiques et comportementaux qui transforment en profondeur la culture d’entreprise. Les sciences sociales et comportementales montrent que la réussite de ces démarches dépend de la capacité à mobiliser l’intelligence collective, à reconnaître les comportements vertueux et à inscrire ces pratiques dans une culture partagée.
La transition durable n’est pas seulement une question de reporting, c’est une aventure humaine et collective. En renforçant les liens sociaux et en valorisant le rôle des individus, elle contribue à redonner du sens au travail. Elle favorise également la cohésion interne et l’innovation, deux dimensions essentielles pour affronter les crises économiques, sociales et environnementales actuelles. En investissant dans des pratiques responsables, les entreprises se placent au cœur de la construction d’un futur plus équitable et résilient.
Mais ce chemin n’est pas exempt de défis : la tentation du greenwashing, le manque d’indicateurs ou l’exclusion des parties prenantes peuvent freiner la dynamique. Il appartient donc aux organisations d’ancrer leurs engagements dans la durée et de les relier à des résultats mesurables. Car au fond, la réussite du développement durable en entreprise ne dépend pas uniquement des stratégies élaborées par la direction, mais aussi de l’adhésion et de l’action quotidienne des collaborateurs.
🌳 Et vous, êtes-vous prêt à faire de l’engagement de vos collaborateurs une norme durable et partagée au cœur de votre entreprise ?
Questions fréquentes
Quelles relations entre le développement durable et la RSE ?
La RSE est la déclinaison opérationnelle du développement durable en entreprise, en traduisant ses principes en actions concrètes.
La RSE et les ODD sont-ils la même chose ?
Non. Les ODD forment un cadre global fixé par l’ONU, tandis que la RSE est une démarche volontaire des entreprises pour y contribuer.
Quels sont les 3 piliers du développement durable ?
Environnemental, social et économique. Ils sont complémentaires et interdépendants.
Quel est l’impact du développement durable sur les entreprises ?
Il renforce la réputation, l’attractivité, l’engagement des salariés, tout en réduisant les risques et en stimulant l’innovation.
Comment appliquer le développement durable en entreprise ?
En réalisant un diagnostic, en définissant une stratégie claire, en mobilisant les parties prenantes, en intégrant la RSE aux processus et en mesurant les résultats.
Sources
Ajzen, I. (1991). The theory of planned behavior. ResearchGate
Boltanski, L., & Chiapello, E. (1999). Le nouvel esprit du capitalisme. Cairn
Carroll, A. B. (1991). The Pyramid of Corporate Social Responsibility. ResearchGate
Crozier, M., & Friedberg, E. (1977). L’acteur et le système. Persée
Deci, E., & Ryan, R. (2000). Self-Determination Theory. SDT
EY (2024). Future Consumer Index.EY
Gond, J.-P., & Igalens, J. (2008). La responsabilité sociale de l’entreprise. Cairn
Karasek, R. (1979). Job Demand-Control Model. Oxford Research Encyclopedia
ONU (2015). Agenda 2030 pour le développement durable. ONU
Porter, M., & Kramer, M. (2011). Creating Shared Value. Harvard Business Review
Sainsaulieu, R. (1987). Sociologie de l’entreprise. Cairn
Tajfel, H., & Turner, J. (1986). The Social Identity Theory. ResearchGate
UN Global Compact (2022). Présentation du Pacte mondial. ONU
UNOSD (2020). Développement durable et responsabilité sociétale des entreprises. UNOSD