Machines de recyclage des bouteilles plastiques : innovation visible ou illusion durable ?
- lesliethiercelin
- 4 oct.
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Dernière mise à jour : il y a 8 heures
Introduction
Chaque minute, plus d’un million de bouteilles plastiques sont vendues dans le monde, selon l’ONU Environnement. En France, cela représente près de 15 milliards de bouteilles par an, soit environ 510 000 tonnes de PET consommées chaque année. Ces chiffres colossaux révèlent à quel point notre modèle reste linéaire : produire, consommer, jeter. Et malgré les progrès du tri sélectif, 40 % des bouteilles échappent encore au recyclage pour finir incinérées, enfouies ou dispersées dans la nature.
Dans ce contexte, les machines de recyclage de bouteilles plastiques, comme B:bot ou TOMRA, séduisent de plus en plus d’entreprises et de collectivités. Ces dispositifs transforment le tri en un geste concret et gratifiant, parfois même récompensé. Ils s’intègrent facilement dans les espaces publics, les campus ou les sites d’entreprise et incarnent une innovation visible, rassurante, et immédiatement compréhensible.
Mais derrière cette innovation, une question demeure : s’agit-il d’un véritable levier de durabilité, ou d’une solution technologique partielle qui entretient notre dépendance au plastique ?
Alors que les entreprises intensifient leurs engagements RSE, il devient essentiel de distinguer les actions de fond des signaux de surface. Cet article propose d’explorer le fonctionnement de ces machines, leur rôle dans une stratégie RSE cohérente, et leurs limites face aux enjeux systémiques du plastique.

I. Recyclage PET : où en est-on ?
1.1 Le poids du plastique dans nos usages
Le plastique est devenu un marqueur central de notre économie de consommation. D’après l’ADEME (2023), la France consomme plus d’un demi-million de tonnes de PET chaque année. Ce matériau, léger et peu coûteux, est présent dans la quasi-totalité des boissons conditionnées.
Mais son revers est lourd : chaque bouteille met en moyenne 450 ans à se dégrader dans l’environnement. Seules 60 % sont collectées, et à peine 30 % réellement recyclées en nouvelle matière première utilisable (Citeo, 2024).
Cette situation s’explique par la dispersion des systèmes de collecte, la contamination des flux et la baisse de qualité du plastique recyclé à chaque cycle.
1.2 Un recyclage en progrès, mais encore imparfait
Le recyclage du PET repose sur un processus complexe : collecte, tri, broyage, lavage, décontamination, extrusion. Chacune de ces étapes consomme des ressources : eau, énergie, transport. Une étude de Waste Management (2022) montre que la production de PET recyclé requiert jusqu’à 2,5 fois plus d’énergie que le plastique vierge, surtout lorsqu’il provient de collectes mal triées.
À l’échelle européenne, 75 % des bouteilles sont collectées, mais seulement 55 % sont effectivement recyclées (Petcore Europe, 2023). Le reste est perdu à cause des impuretés, du mélange de polymères et des déchets non valorisables. Ces pertes limitent la boucle de circularité : une bouteille PET ne peut être recyclée que deux à trois fois avant que sa qualité se dégrade.
1.3 Réduction, réemploi, recyclage : la hiérarchie écologique
Le plan gouvernemental 3R (Réduire, Réutiliser, Recycler) du Ministère de la Transition Écologique (2023) fixe un objectif ambitieux : réduire de 20 % les emballages plastiques à usage unique d’ici 2025 et en sortir totalement d’ici 2040.
Ce plan rappelle une hiérarchie claire :
Réduire la production et la consommation de plastique en supprimant les emballages superflus.
Réemployer les contenants via la consigne, la recharge ou la mutualisation des emballages.
Recycler, en dernier recours, les déchets non réemployables.
Les machines de recyclage s’intègrent donc dans cette troisième étape : utiles, mais insuffisantes si elles ne s’accompagnent pas d’une réduction des volumes à la source.
II. Comment fonctionnent les machines de recyclage “qui paient” ?
2.1 Le principe des “reverse vending machines”
Les reverse vending machines (RVM), ou distributeurs inversés, inversent la logique de la consommation. L’utilisateur insère sa bouteille vide, la machine la reconnaît, la compacte ou la broie, puis lui offre une récompense (bon d’achat, don, ou points fidélité).
Ces dispositifs transforment un geste écologique en action valorisée, s’appuyant sur le concept comportemental de “nudge” : encourager sans contraindre.
2.2 B:bot : l’innovation française du recyclage immédiat
La société GreenBig a développé B:bot, une machine capable de transformer directement les bouteilles PET en paillettes recyclables. Les bouteilles (0,15 à 2,5 L) sont scannées par code-barres, broyées sur place et stockées. Résultat : un volume réduit par 10, une meilleure pureté du flux et une revalorisation immédiate.
Chaque machine traite jusqu’à 3 500 bouteilles avant vidange et reverse 1 à 2 centimes d’euro par unité recyclée. En trois ans, 328 millions de bouteilles ont été collectées, soit plus de 8 000 tonnes de plastique évitées (SciencePost, 2023).

2.3 TOMRA : la référence mondiale de machine de recyclage des bouteilles plastiques intelligent
Leader international, TOMRA Recycling a déployé 80 000 machines dans 40 pays. Sa technologie de tri optique “TOMRA Flow” identifie le matériau et le colorant avec une précision supérieure à 98 % (TOMRA Annual Report, 2024). Chaque unité peut collecter jusqu’à 2 500 bouteilles par jour, contribuant à une économie circulaire locale.
TOMRA revendique avoir évité 4,5 millions de tonnes de CO₂ par an grâce à ses systèmes de collecte connectés, largement implantés dans les chaînes de supermarchés.
2.4 Des prototypes de recherche prometteurs
Des études comme celle de Sambhi & Dahiya (2020) ont conçu des RVM “low-cost”, capables de collecter 650 kg de bouteilles en six mois pour moins de 1 000 €.
Une autre, publiée dans MDPI (2022), intègre des algorithmes d’intelligence artificielle (MobileNet) atteignant 99,2 % de précision dans la reconnaissance des matériaux.
Ces innovations ouvrent la voie à des solutions plus accessibles, notamment pour les collectivités ou les campus universitaires.
III. Intégrer les machines de recyclage dans une stratégie RSE cohérente
3.1 Quand installer une machine de recyclage ?
Pour une entreprise, installer une machine de recyclage peut répondre à plusieurs objectifs :
Réduire les déchets plastiques visibles sur les sites.
Sensibiliser les collaborateurs aux gestes écoresponsables.
Valoriser la démarche RSE en rendant l’action concrète et mesurable.
Ce dispositif a particulièrement de sens dans les espaces collectifs (restaurants d’entreprise, open spaces, campus), où le flux de bouteilles reste significatif. Il peut aussi servir de support éducatif dans les démarches d’engagement interne.
3.2 Évaluer la rentabilité et la pertinence
Le coût d’une machine se situe entre 6 000 et 60 000 €, selon la technologie. Mais il faut aussi tenir compte de :
La maintenance (nettoyage, pièces, électricité).
La logistique (transport des paillettes, partenariat de recyclage).
Le temps de gestion (communication, suivi, reporting).
Certaines entreprises choisissent de mutualiser le dispositif avec d’autres acteurs locaux ou d’intégrer une machine dans leur bilan carbone pour compenser une partie de leurs émissions liées aux emballages.
3.3 Associer technologie et engagement collectif
Pour maximiser son impact, une machine doit s’inscrire dans un programme global de transition. Par exemple :
Mettre en place des défis internes : “une bouteille déposée = un arbre planté” ou un don à une association.
Suivre les indicateurs clés : volume collecté, taux de participation, réduction du plastique acheté.
Accompagner le dispositif d’alternatives durables : suppression des bouteilles à usage unique, installation de fontaines, distribution de gourdes réutilisables.
Partager les résultats dans le rapport RSE et sur les supports internes, pour ancrer le comportement dans la durée.
3.4 Communiquer avec sincérité et cohérence
L’enjeu n’est pas d’exposer un symbole, mais de soutenir un changement réel. Des entreprises comme Back Market (réemploi numérique) ou Biocoop (zéro déchet) communiquent sur la cohérence globale de leur démarche : la technologie n’est pas un outil d’image, mais un levier d’éducation. Elles montrent qu’il est possible de combiner innovation, sobriété et transparence sans tomber dans le “greenwashing de façade”.
IV. Les limites et les paradoxes : entre engagement visible et impact réel
4.1 Des coûts élevés et un rendement incertain
L’ADEME (2022) estime le coût du recyclage du PET entre 800 et 1 200 € la tonne, soit jusqu’à trois fois plus que le plastique vierge.
Les machines de recyclage reposent donc sur un modèle économique fragile, basé sur les subventions publiques, la vente de matière recyclée ou les partenariats d’image. Leur rentabilité directe est faible, mais leur valeur réside dans leur impact éducatif et leur effet comportemental.
4.2 Une portée limitée face à la surproduction
Même un réseau de 1 000 machines B:bot ne traiterait qu’environ 1 % du volume national de bouteilles. Elles participent à une logique de proximité et de sensibilisation, mais ne peuvent remplacer une transformation du modèle de production et de consommation.

4.3 Le recyclage, une fausse promesse circulaire
Selon le CNRS (2023), le recyclage ne peut pas compenser l’augmentation continue de la production mondiale de plastique, multipliée par 20 depuis 1960.
Une bouteille ne renaît pas à l’infini : le PET perd de sa qualité à chaque cycle, générant des microplastiques et une dépendance à de nouvelles matières premières.
4.4 Le risque de greenwashing technologique
Les études publiées dans Resources, Conservation & Recycling (2024) révèlent que 70 % des dispositifs de recyclage innovants sont utilisés à des fins de communication, sans politique de réduction à la source.
Installer une machine, c’est bien ; mais réduire le plastique à la source, c’est mieux. C’est pourquoi une solution comme La Boxeuse valorise les usagers qui n’utilisent pas le plastique dès le départ : mais à la place de cela, une box réemployable à l’infini, traquée et gamifiée, pour que tout un chacun puisse en tirer profit.
Pour être cohérente, une entreprise doit relier la technologie à une démarche d’économie circulaire globale, avec des engagements chiffrés et suivis dans le temps.
Conclusion
Les machines de recyclage de bouteilles plastiques, qu’elles soient locales comme B:bot ou internationales comme TOMRA, marquent une étape intéressante dans la responsabilisation collective. Elles rendent l’écologie visible, participative et gratifiante.
Mais elles ne suffisent pas à transformer un modèle économique encore fondé sur la surproduction et l’obsolescence des emballages.
Pour les entreprises engagées dans une démarche RSE, ces dispositifs doivent être intégrés avec discernement :
comme outil de sensibilisation plutôt que de compensation,
comme levier de pédagogie plutôt que d’image,
et comme moyen d’ancrer un changement de comportement durable.
Le défi ne réside pas dans la capacité à recycler mieux, mais dans la volonté de produire et consommer moins (comme avec La Boxeuse, qui propose une application incitative pour créer le réflexe du réemploi. En savoir plus ici.)
Alors, au-delà des machines et des symboles technologiques, la vraie question reste ouverte : et si l’innovation la plus durable consistait simplement à ne plus produire de déchet du tout ? 🫧
Questions fréquentes
Comment B:bot fonctionne-t-il pour recycler les bouteilles ?
B:bot reconnaît les bouteilles par code-barres, les broie sur place en paillettes, et les envoie vers des recycleurs français. Ce broyage réduit le volume de 90 % et permet de valoriser chaque bouteille par une récompense symbolique.
Quelle machine est utilisée pour le recyclage du plastique ?
Les reverse vending machines (RVM) telles que B:bot et TOMRA collectent, trient et compactent les bouteilles pour en faciliter le recyclage local. Elles sont de plus en plus présentes dans les entreprises, campus et supermarchés.
Quel est le prix du recyclage d’une bouteille en plastique ?
Le recyclage d’une tonne de PET coûte entre 800 et 1 200 €, soit deux à trois fois le coût de production de plastique neuf. Cette différence s’explique par les processus énergivores de tri et de décontamination.
Qu’est-ce qu’une machine de recyclage de plastique qui paie ?
C’est un dispositif incitatif qui récompense financièrement les utilisateurs pour chaque bouteille recyclée. Ce modèle favorise le tri à la source et renforce les comportements écoresponsables.
Sources
ADEME. (2022). Coût du recyclage des plastiques en France. ademe.fr
Back Market. (2024). Rapport d’impact environnemental et social. backmarket.fr
Biocoop. (2023). Stratégie zéro déchet et emballages responsables. biocoop.fr
CNRS. (2023). Recyclage du plastique : une solution contre-productive. lejournal.cnrs.fr
Citeo. (2024). Bilan du recyclage plastique en France. citeo.com
GreenBig. (2024). Présentation B:bot. b-bot.com
Ministry of Ecology. (2023). Plan 3R – Réduire, Réutiliser, Recycler. ecologie.gouv.fr
Petcore Europe. (2023). PET Market in Europe – State of Play. petcore-europe.org
Sambhi, R. & Dahiya, R. (2020). Reverse vending machine for managing plastic waste. Springer Journal of Engineering.
SciencePost. (2023). B:bot, la machine française qui paie pour vos bouteilles. sciencepost.fr
TOMRA Recycling. (2024). Annual Sustainability Report. tomra.com
Waste Management Journal. (2022). Energy and environmental analysis of PET recycling processes. Elsevier.
Resources, Conservation & Recycling. (2024). Technological recycling and behavioral impact studies. Elsevier.